«La e-santé, cette innovation numérique va révolutionner le système sanitaire» Dr Dia, Coordonnateur CSSDOS
Le Sénégal ambitionne d’aller vers la digitalisation du système de santé pour faire en sorte que le patient ne soit plus obligé de transporter son ou ses dossiers médicaux d’un médecin à un autre. L’Etat du Sénégal, à travers le ministère de la santé et de l’action sociale (Msas), a d’ailleurs engagé un processus pour arriver non seulement à l’établissement du dossier médical partagé avec de la télémédecine, mais veut faire de telle sorte que le numérique soit au cœur de l’intervention médicale. Ce, en mettant en place le programme e-santé ou santé digitale. Titulaire d’un diplôme universitaire (Du) en E-santé, son coordonnateur le Dr Ibrahima Khaliloulahi Dia, géographe de la santé, pense que cette innovation numérique va révolutionner le système sanitaire au Sénégal, et rendra les soins plus accessibles aux populations surtout avec la création du dossier patient numérisé, partagé.
Pouvez-vous revenir sur la définition de la santé digitale qu’on a toujours tendance à confondre avec les technologies de l’information ou encore avec l’informatique ?
La santé digitale, santé connectée ou santé numérique est définie par l’Organisation mondiale de la Santé (Oms) comme étant l’utilisation des technologies numériques en faveur de la santé. A chaque fois que vous utilisez internet ou les applications, ou que vous hébergez des données de santé, vous êtes dans le domaine de la santé digitale. Donc les Technologies de l’Information et de la Communication (Tic) peuvent être utilisées dans les soins, mais elles peuvent être également utilisées dans les six piliers du système de santé à savoir le pilier médicament, prestation de service, ressources humaines, financement etc… C’est pour dire que la santé digitale est un champ très vaste avec plusieurs grands compartiments. Il y a un volet sur la ‘’télémédecine ou télésanté’’ composé de tout ce qui est santé à distance, le volet ‘’santé mobile’’ qui veut dire santé et téléphone mobile. En plus de la santé mobile, il y a également les sms (messages) qu’on envoie aux personnes qui reçoivent des conseils concernant la santé. Il y a un autre aspect de la santé digitale qui est souvent confondu à la santé-mobile, et qui pourtant sont différents. Il s’agit de la ‘’e-santé’’.
La e-Santé, c’est la santé digitale. N’est-ce pas ?
Le terme de « e-santé » ne veut pas forcément dire santé digitale. Elle renvoie plutôt au volet relatif au système d’information de la santé digitale dans sa globalité. Donc c’est là où nous avons tout ce qui est système d’information. On peut même y mettre le dossier patient à partager. Dans la ‘’e-santé’’, nous avons également le ‘’e-learning’’. C’est-à-dire tout ce qui est formation à distance.
Apparemment la santé digitale est un champ très vaste du domaine médical. Mais vous convenez avec nous qu’on ne peut pratiquer la santé digitale sans faire appel à l’informatique…
Oui ! La santé digitale est très vaste et elle utilise les technologies qui sont actuellement disponibles pour améliorer la santé. Donc, il faut préciser que la santé digitale n’est pas de l’informatique. Ce n’est pas non plus les technologies de l’information et de la communication. La santé digitale c’est tout simplement de la santé. Parce qu’elle contribue à l’amélioration des indicateurs de santé, de l’accès aux soins à travers la télémédecine et du système d’information en apportant des données de qualité. Mais il est bien de préciser qu’on ne peut pratiquer la santé digitale sans l’informatique. Aujourd’hui, si nous avons un problème de santé digitale, 80% du temps est consacré aux discussions, à la réglementation, à l’organisation, à des méthodes et surtout à des changements de comportements, et que les 20% restants sont consacrés à tout ce qui est outil numérique. Le problème, c’est comment faire pour que ces outils soient utilisés dans le système de santé. C’est pourquoi, on aime dire que la santé digitale c’est tout simplement la santé. C’est très important de savoir que la santé digitale est une affaire de santé et non des informaticiens même s’ils sont actuellement des acteurs de santé. Ils l’étaient avant, mais avec la « e-santé », on aura besoin de beaucoup d’informaticiens.
Quelle est l’importance de la santé digitale dès lors que, comme vous dites, elle reste la santé ?
La santé digitale est certes un nouveau terme, mais qui peut régler beaucoup de problèmes. Il nous faut juste identifier ces problèmes. Alors, nous avons un problème d’accès aux soins. Tout le monde sait qu’on a une répartition du personnel de santé qui n’est pas homogène. Il y a des régions qui n’ont pas de spécialistes dans certaines spécialités. Donc il y a ce qu’on appelle des déserts médicaux. Pourtant on recrute des médecins, on construit mais il y a encore des déserts médicaux. Maintenant pourquoi ce manquement ? C’est la question qu’il faut se poser. Ce qui signifie qu’il y a un problème qu’il faut régler d’une autre façon. D’où l’intérêt d’aller vers les technologies de l’information et de la communication pour voir ce qu’elles peuvent apporter à la santé et surtout à l’accès aux soins. On a des hôpitaux, des centres de santé neufs qui n’ont pas beaucoup de monde. Ce, pour différentes raisons. Par exemple, on recrute parfois des spécialistes affectés dans certaines zones mais qui au bout de quelque temps préfèrent quitter, abandonner leurs postes. C’est souvent ce qui explique que des hôpitaux restent sans spécialistes dans certains domaines. Aussi, l’accès aux soins demeurent un problème. Les malades font des kilomètres pour venir voir un neurologue. Ils font déjà une journée pour voyager, prendre un taxi très tôt le lendemain pour aller voir un spécialiste ici à Dakar. Ces personnes qui ont un rendez-vous font la queue pendant des heures des fois avant d’être reçues par le médecin juste pour 10 à 15 minutes de consultation et c’est fini. Parce que c’est souvent un contrôle médical vite fait. Le malade est aussi obligé de retourner dans ces mêmes conditions de voyages. Donc le patient fait 48H, paie le transport pour venir voir le spécialiste pour 15 minutes alors qu’il y a peut-être une alternative à ce parcours du combattant. Peut-être que le malade peut rester chez lui, dans son quartier et être connecté avec ce médecin spécialiste. Et c’est possible. Donc le problème que nous avons et qui justifie la santé digitale, c’est également cette situation à laquelle le malade est souvent confronté.
Quels sont les problèmes souvent rencontrés avec la e-santé ?
On nous dit qu’il y a des problèmes dans la qualité des données même si beaucoup d’efforts à saluer ont été faits. En 2014, nous avions mis en place la plateforme DHIS2 qui a certes donné des résultats. Mais on sent qu’il y a encore beaucoup à faire parce que tout simplement on n’a pas de dossier patient. C’est ça le problème que nous avons pour la e-santé. Donc il y a beaucoup de raisons qui font qu’on ne puisse pas avoir les données à temps pour pouvoir prendre les bonnes décisions. Donc la e-santé c’est pour apporter des solutions pour avoir les données de qualité à temps.
Quels sont les problèmes souvent rencontrés avec la e-santé ?
Le dossier patient partagé, c’est la possibilité pour une personne d’avoir dans une plateforme dans des serveurs sécurisés l’ensemble de ses dossiers de malade mais dématérialisé sous d’autres formats (digitalisés, numérisés) en ligne mais accessible pour le médecin qui est devant le patient et également accessible pour n’importe quel système d’information utilisé. Ce qui n’est pas simple. Alors, le dossier il est dans le cloud ou dans le serveur sous d’autres formats logiquement et bien sécurisé. Si je viens voir un médecin à l’hôpital et que son établissement de santé a les moyens ou un système d’information qui permet à ce médecin d’attaquer mon dossier, on l’ouvre avec une carte qu’on met dans un téléphone, une empreinte ou un message qu’on envoie dans mon téléphone que je donne au médecin pour qu’il accède à mon dossier. Mais s’il l’ouvre, il faut qu’il ait un système d’information capable de parler avec le format du dossier patient parce que c’est plusieurs types de format informatique. Donc le système d’information de l’hôpital doit être fait de sorte que le médecin puisse avoir accès à mes nouvelles informations pour pouvoir faire son diagnostic et bien refermer mon dossier renforcé par ma consultation d’aujourd’hui. C’est ça mon dossier patient. Cela veut dire que je peux aller à l’hôpital régional de Ziguinchor me faire consulter par le médecin neurologue qui pourra avoir accès à mon dossier. Cela demande juste que le médecin qui est à Ziguinchor ait un système qui lui permet de communiquer avec le format de mon dossier. Quant aux projets, le ministre de la santé nous a demandé de parler de système national e-santé dans lequel nous allons mettre tous nos projets numériques, informatiques. Je pense qu’aujourd’hui, nous avons deux priorités même si nous avons six projets numériques majeurs.
Je dirai même trois projets qui ne peuvent plus attendre. Quand vous allez dans les hôpitaux, vous voyez comment les agents de santé se démènent dans les laboratoires, dans les consultations, c’est très dur pour eux, c’est très difficile et le lendemain, ils n’ont aucune information sur la veille ni le jour suivant parce qu’ils ne peuvent pas voir la planification. C’est pourquoi, le ministre a dit que sa priorité c’est la mise en place du dossier patient partagé.
C’est donc un projet de dématérialisation du système de santé ? Quels sont les autres projets et où en êtes-vous avec la mise en œuvre de la santé digitale au Sénégal ?
C’est le premier projet prioritaire. Mais en partant de notre explication, force est de constater qu’il faut des systèmes d’informations dans nos hôpitaux. Sinon, il sera impossible de communiquer avec le dossier patient. C’est ce que j’appelle le système d’information clinique. Ça fait partie également des projets prioritaires. Car si on a le dossier patient et que personne ne peut y accéder, cela n’a pas de sens. Et le troisième projet demeure celui pour lequel la cellule a été créée. Avant, c’était l’accès au soin car il faut que les Sénégalais puissent avoir accès à des soins de qualité à des coûts acceptables sur des distances raisonnables. Ce qui a mené vers le projet de la télémédecine. Donc dans l’urgence, nous avons le dossier patient partagé qui va révolutionner le système de santé avec beaucoup d’avantages qualité, sécurité, et surtout pour la recherche, c’est très important parce qu’on aura des données de qualité. Aujourd’hui, on nous parle d’Intelligence Artificielle (Ia) mais s’il n’y a pas de dossiers détaillés de qualité, il n’y aura pas d’intelligence artificielle adaptée chez nous. Aujourd’hui on fait de la télémédecine avec l’intelligence artificielle. Mais il faut que ce soit adapté sur notre corps. Peut-être qu’il y a des nuances qui existent qui font que l’intelligence artificielle des Américains sur les yeux n’est pas adaptée chez nous pour différentes raisons.
Un peu plus haut, vous avez parlez de e-learning sans trop entrer dans les détails. Pouvez-vous revenir sur ce terme ?
On nous dit toujours qu’on fait déplacer les médecins, les dentistes, les pharmaciens d’une région pour venir assister à une réunion à Dakar pour des séminaires par exemple. Ce qui constitue parfois un problème. Il y a le ‘’e-learning’’ comme solution. Aujourd’hui, on peut former des gens à distance. Donc ces aspects que je viens de soulever peuvent valablement expliquer et justifier pourquoi il urge d’avoir la e-santé. S’agissant du côté du patient, au lieu de quitter chez lui et venir simplement prendre un bulletin de rendez-vous, ce dernier peut simplement appeler ou, à travers une plateforme numérique, prendre un rendez-vous et payer valablement. Cela existe déjà quelque part mais doit être mis à l’échelle. Et ce patient vit un autre problème car il a plusieurs dossiers médicaux physiques qu’il ne communique pas. Des dossiers qui généralement restent chez le médecin pour plus de sécurisation puisqu’on n’a pas la e-santé. Alors qu’ils appartiennent au patient. Alors imaginez j’ai un dossier chez le neurologue, le cardiologue, chez le dermatologue et ailleurs… et que à chaque fois que je suis en consultation, le médecin ignore tous ces dossiers. Là, il ne peut se baser que sur les ordonnances. Encore faudrait-il que je les ai avec moi.
Donc on voit qu’on a l’opportunité de se soigner mieux sans pouvoir le faire parce qu’on a perdu nos dossiers à la maison ou à l’hôpital. Du coup, il faut trouver des solutions à ces problèmes pour que le patient puisse avoir par devers lui tous ses documents de malade. Que ce soit ses radios, ses ordonnances, ses bulletins d’entrées et de sorties et même les comptes rendus médicaux. Il y a d’autres raisons sur les médicaments, il y a beaucoup de problèmes que les Tic peuvent régler. Dès fois, des officines de pharmacie nous disent qu’il y a des ordonnances qu’on leur apporte mais qui posent problème. Parce qu’on ne sait pas qui a signé, on ne voit que le cachet de la structure alors que le pharmacien est dans son officine, et il n’est pas en mesure de vérifier le signataire de l’ordonnance. Et s’il y a des effets indésirables chez le patient et qu’une procédure judiciaire est lancée, le pharmacien risque d’avoir des problèmes, donc on voit qu’il y a du travail à faire à ce niveau-là ; il faut sécuriser les ordonnances et c’est possible avec la prescription électronique. Donc force est de constater que l’urgence est là. Depuis des années, l’administration sanitaire bute sur ces problèmes. Or un coup d’œil chez les informaticiens, chez les techniciens des TIC peut régler tous ces problèmes.
Quels sont les risques avec ces innovations numériques ? Y a-t-il des stratégies mises en place pour faire face à ces risques ?
Les risques, c’est la sécurisation des données du patient. Parce que personne ne va accepter que ses données médicales ne soient sécurisées. Donc le plus grand risque c’est de créer des systèmes qui seront piratés. Des moyens de mitigations existent. Toutefois, je le dis à contrecœur, il n’y a pas de sécurité à 100%. Les gens peuvent apporter beaucoup de niveau de sécurité qui feront qu’on pourra rester cent ou cinquante ans sans problème. Donc le premier risque c’est comment héberger de manière sécurisée les données qui seront des données personnelles doublées de médicales. Mais il ne faut pas que ce problème de sécurité nous fasse reculer. C’est comme le problème des vaccins que nous avons. Que ce soit Astrazénéca ou autres, on dit que les bénéfices sont supérieurs aux risques. Je pense qu’un risque faible ne doit pas occasionner un refus d’aller vers le bien. On doit avancer et de manière sûre. Nous avons élaboré une feuille de route dans laquelle nous avons mentionné notre politique de sécurité. En guise d’exemple, pour la création du dossier patient, la seule présence du malade ne suffira pas. Il faudra prouver par le biais de la pièce d’identification pour que le dossier patient soit créé. Lequel dossier sera, par un message avec un code que vous allez recevoir séance tenante. Et que le malade va ensuite donner au médecin. Si on prend l’option d’empreinte aussi, l’ouverture du dossier n’est possible qu’avec la présence du patient. Maintenant, pour les autres niveaux de sécurité, ça concerne les serveurs. Alors, même si je ne suis pas informaticien, je sais que ces derniers ont beaucoup de moyens de sécuriser les données. Il y a des normes pour sécuriser ces serveurs. Je vous donne un exemple, si je loue une chambre à quelqu’un dans mon immeuble et je lui donne les clefs qu’il peut changer après, alors si cette personne ferme sa chambre je ne pourrai y accéder. C’est la même chose, si on héberge nos données quelque part. Dans certaines entreprises, dans certains serveurs, ce niveau de sécurité existe. A cet effet, il faut qu’on ait des systèmes capables de tracer les entrées et les sorties en cas d’éventuels problèmes. Je pense qu’il y a plus de bénéfices que de problèmes dans cette affaire-là et les risques, il faut les gérer. Il faut également que le patient accepte. Car l’autre risque, c’est qu’on mette tout ça en place et que le patient ne soit pas intéressé. Un manque d’appropriation par le patient qui peut être gérer par une bonne communication. Un autre risque, c’est que l’agent de santé ne l’utilise pas car il peut se dire qu’il est plus à l’aise avec ses papiers et son stylo qui constitue son pouvoir. Donc, il y a une politique de conduite du changement qu’il faut mener pour que l’agent de santé adhère à ce projet. Tant qu’il refuse d’adhérer au projet, il n’y aura d’e-santé.
On travaille pour principalement deux à trois personnes qui sont le personnel de santé, le patient et le manager. Derrière, d’autres peuvent en bénéficier à savoir les chercheurs par exemple. Si l’un des trois acteurs précités ne joue pas le jeu, le système ne marchera pas. C’est pourquoi il est essentiel de travailler avec eux. Les autres problèmes sont plutôt des contraintes liées surtout à la connexion, l’internet.
Le plateau technique existant, répond-il aux exigences de tels projets ?
Il y a beaucoup de problèmes dans la disponibilité des équipements. Nos hôpitaux manquent d’ordinateurs. Ce qui a été constaté récemment dans la gestion de la Covid-19 dans une initiative nationale citoyenne qui a été mise en place par l’Organisation des Professionnels des Technologies de l’information et de la communication au Sénégal (Optic) et le ministère de l’économie numérique pour venir en aide au ministère de la santé lors de la première vague de la Covid. On a choisi des solutions que nous avons déployées dans les Centre de Traitement épidémiologique (Cte) et nous avons fait beaucoup de communication digitale. Durant cette étape, nous avons constaté que les hôpitaux n’ont pas de tablettes ni d’ordinateurs portables ou y’en avait peu. Donc il faut forcément les renforcer pour digitaliser. Prenons l’exemple de l’hôpital Fann qui a des problèmes d’internet, de laptop, donc ça devient général. Il faut que les conseils d’administration en soient conscients et qu’ils acceptent que des ressourcent soient allouées à la santé digitale dans les hôpitaux. Et que aussi derrière, le ministère vienne en aide pour qu’on renforce en équipement informatique et internet. Je précise qu’à ce niveau, nous avons réfléchi à tous ces manquements. Dans le programme ‘’Digi-santé’’ que nous avons évoqué, nous avons identifié et estimé l’ensemble des besoins en tablette, en ordinateur… Ces aspects en équipement sont intégrés dans notre nouveau plan d’investissement sectoriel qu’on appelle PIS 2020-2024. Ce plan d’investissement a été demandé par son Excellence le Président de la République M. Macky Sall dans le sillage de la Covid-19 parce qu’il constatait que le système tenait bien. Toutefois, il y avait des améliorations à faire dans le but de renforcer le système. Dans ce plan, nous avons pu inscrire des budgets pour renforcer les hôpitaux, les postes et les centres. D’ailleurs ce plan va lancer de façon soutenue la transformation digitale parce qu’il est prévu de l’ingénierie-logiciel, des équipements, de la formation estimée à plusieurs milliards, le volet santé digitale de ce plan d’investissement. La e-santé constitue une priorité du Président de la République qui en a parlé plusieurs fois et qui demande qu’il ait des réformes dans la santé digitale. Nous pensons qu’il y a des problèmes d’équipements mais ils sont mineurs. Les hôpitaux vont faire l’effort d’acheter et nous allons faire l’effort de renforcer pour que les structures soient mises à niveau en matière d’infrastructures et d’équipements. Donc même s’il y a des problèmes, les solutions sont là. Et comme je suis en train de la faire, nous allons communiquer.
En dehors de cette stratégie de communication, avez-vous prévu une stratégie de recrutement d’un personnel qualifié quand on sait que la formation, surtout en ce qui concerne le traitement des données, accuse un retard énorme au Sénégal ?
On s’est dit de renforcer ce que nous faisons et nous allons créer des emplois. Le Président de la République a dit, lors d’un conseil des ministres, que le numérique est une opportunité pour créer des emplois. Et en ce qui concerne la santé, on est prêt à cr��er des emplois avec le numérique parce que nous savons ce que nous voulons faire, nous avons une structure administrative. Même s’il faut l’améliorer. Nous avons un plan stratégique, nous avons le programme Digi-santé qui identifie clairement les six projets numériques majeurs. Ce programme a été élaboré avec l’appui du ministre de l’économie et du plan à travers sa Direction générale de la planification et des politiques économiques. Donc, c’est un document « hyper » officiel. Nous sommes maintenant sous le système national d’e-santé. C’est-à-dire, nous sommes sur le domaine technique et technologique.
Alors, nous voulons aller vers cette transformation du système de santé. Mais aujourd’hui, la principale question, c’est la gouvernance, c’est les ressources humaines.
Pourquoi la gouvernance ?
La gouvernance, parce qu’il faut créer des cellules de santé digitale dans les hôpitaux alors que moi j’avais parlé d’unité d’assistance à la transformation digitale. Chaque cellule regroupera l’informaticien, le gestionnaire de données et le responsable de Cellule d’Information médicale (Cim) qui devront être dotés de moyens pour que tous les projets numériques qui vont venir puissent être bien gérés. Il faut dire que derrière chaque médecin, chaque dentiste, chaque infirmier qui se trouvent dans les centre de santé, il faut quelque part quelqu’un pour aider. Car s’ils consultent une, deux ou trois fois et que le système ne marche pas, ils vont arrêter. Il faut donc du monde derrière pour les accompagner. La santé maintenant c’est plus open. Il ne faut pas croire que l’ingénieur informaticien c’est juste l’ADIE (Agence de l’Informatique de l’Etat) ou les autres, on doit en avoir à gogo ici ou bien qu’on change de format comme les autres pays. Seulement au Sénégal, le format retenu est que la e-santé est dans le ministère de la santé avec un service qui existe. Ce qui signifie qu’il faut des ingénieurs qui vont continuer à travailler avec l’Agence de l’informatique de l’Etat pour gérer la sécurité. S’agissant des développements, ce sont les start-up et les sociétés informatiques qui vont gérer. Mais juste le déploiement. C’est énormément de travail, énormément d’emplois qu’on peut créer. Et si on ouvre la e-santé, il y a énormément de chose à faire, il y a tellement d’application pour accompagner les gens qui jeunent, les diabétiques etc… mais qui ne pourront être concrétisés sans le dossier patient qui constitue le stimulus. En plus si on a le dossier patient avec des données, on pourra faire ce qu’on appelle du ‘’open data’’ quand on sait qu’il y a des serveurs qui n’ont pas de données pour travailler et à qui il faut des informations pour tester des choses. Si on réussit ce projet, on peut devenir le ‘’Silicone Valley de l’Afrique de l’Ouest’’. Mais il faut qu’on aille d’abord vers le dossier patient, le système d’information clinique et la télémédecine pour qu’on puisse avoir ces gens qui n’existent pas chez nous.
« Si on réussit ce projet, on peut devenir le ‘’Silicone Valley de l’Afrique de l’Ouest », avez-vous dit. Mais pour un travail aussi énorme avec une si grande ambition dans un pays dépourvu de presque de tout. Des contraintes il y en aura forcément alors ?
Oui, il y a des contraintes à ça parce que l’ingénieur spécialiste en sécurité informatique ne va pas accepter mon salaire qu’il jugera petit pour lui. C’est ça la vérité ; la grille salariale est fonction de l’offre et de la demande et ces spécialistes, on ne peut pas les payer avec le format actuel de la grille salariale. Donc il faudra réfléchir sur le statut de la cellule pour qu’elle puisse payer légalement ou réfléchir sur d’autre type de format de projet pour qu’on puisse les recruter afin qu’ils viennent travailler avec nous, et mettre les piliers et les fondamentaux jusqu’à ce que le système soit huilé et surtout capaciter nos informaticiens et les autres pour qu’ils assurent la relève plus tard et tenir le système.
Docteur, que représente le programme e-santé dans la Carte sanitaire sociale de la Santé digitale et de l’Observatoire de la Santé (CSSDOS), et quel rôle avez joué dans cette carte sanitaire ?
Nous sommes la cellule de la Carte Sanitaire sociale de la Santé Digitale et de l’Observatoire de la Santé (Cssdos). Donc nous avons un service assis sur un tabouret avec trois piliers. D’abord le pilier relatif à la carte sanitaire qui organise l’offre de soin et qui définit les normes en ressources humaines, en équipements tout en identifiant les gaps à combler pour qu’on puisse aller vers la Couverture sanitaire universelle (Csu). L’Observatoire de la santé, c’est extrêmement important. Parce qu’il y a une question de redevabilité de la santé. Mais nous, on ne gère que le volet secrétariat de l’Observatoire de la santé qui a pour objectif de faire un ‘’tracking’’ des connaissances, des données de qualité, des rapports pour pouvoir les mettre dans un entrepôt et permettre aux sénégalais, à des chercheurs et aux acteurs de la santé d’avoir les bonnes informations à utiliser dans leurs planifications ou autre chose. Alors, la cellule n’a pas de projet en tant que telle, surtout dans le domaine de la e-santé. Car dans ce domaine, il y a des projets que nous cordonnons simplement et il y a d’autres projets que nous gérons aussi forcément. Tout ce qui est dossier patient, on le gère aussi. Parce que c’est transversal, c’est structurel, et cela impacte tout le système de santé. Tout ce qui est télémédecine on le gère parce que nous gérons la carte sanitaire. Mais nous avons d’autres services ici qui existent et qui gère d’autres aspects de la santé digitale. Nous avons la Division du Système d’Information Sanitaire (Dprs) qui gère une plateforme de remontée de données qui s’appelle la ‘’District Health Information Software’’ (Dhis2) que nous ne gérons pas. Si aujourd’hui on doit aller vers un système d’information du médicament aussi, on fera de l’accompagnement, mais pas en tant que cellule de santé digitale. Aujourd’hui, si vous voulez gérer ce système d’information du médicament, vous vous rendrez compte que, dans les projets, personnes ne peut aller sans le dossier patient ou la télémédecine. D’où notre rôle de structurer le système de santé. Et je pense qu’il faut saluer la vision du ministre de la santé de l’époque Mme Awa Marie Cole Seck qui avait décidé en 2016 de regrouper des bureaux, des unités pour en faire ce service-là. 2016, c’est l’année de la création de la cellule en tant que telle. Mais avant j’étais au niveau du Système d’information avant de rejoindre la direction générale de la santé (Dgs) avec une cellule qui avait la mission de gérer la carte sanitaire et où nous avons passé deux ans avant d’être rattaché au secrétariat général du ministère de la santé. Donc, force est de constater qu’il y a un parcours qui a été fait à ce niveau-là.